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Green IT: Diminuer l’impact de son infrastructure numérique

Numérique et environnement : quand le virtuel impacte le réel

L’infrastructure digitale mondiale est devenue au cours des dernières années le deuxième pollueur de la planète, devant le transport aérien.

Paradoxalement le numérique est plutôt perçu comme bénéfique quant à son impact environnemental car la dématérialisation qu’il favorise permet à une organisation, en virtualisant ses processus, d’économiser ses ressources physiques. Du coup, l’infrastructure digitale est souvent la grande absente des analyses d’impact ou des stratégies RSE.

En réalité,  la matérialité de nos infrastructures numériques est bien réelle, et leur impact sur nos écosystèmes est massif. Mais la répercussion de ces infrastructures  est difficilement perceptible par l’utilisateur final car elle se fait soit en amont de son utilisation, soit par l’intermédiaire de la consommation électrique.

Par ailleurs l’accélération exponentielle des usages digitaux poussée par  l’industrie digitale laisse entrevoir que le problème de l’impact du numérique sur notre environnement va devenir un des enjeux majeurs des années à venir.

Cette prise de conscience doit nous inciter à faire converger les deux grands mouvements de transformation de ce début de 21ème siècle que sont la transition écologique et la transition numérique : on ne peut plus penser la préservation de l’environnement sans inclure dans l’équation l’impact de la sphère digitale. Inversement, on ne peut plus déployer la transformation digitale avec une frénésie naïve sans chercher à rendre son infrastructure plus sobre, plus circulaire et plus éthique.

C’est là l’enjeu et la mission fondamentale du Green-IT.

Quand nos ordinateurs sortent des entrailles de la terre

Nos terminaux digitaux sont tellement sophistiqués qu’on en oublie parfois que pour les fabriquer il faut creuser la terre, consommer son eau, ses terres rares, ratiboiser quelques forêts et rejeter quelques tonnes de CO2 dans l’atmosphère…

Globalement, l’impact de notre infrastructure numérique a quatres sources principales.

  • la consommation d’énergie primaire et les gaz à effet de serre qui en résultent. Ils sont liés à la fabrication, le transport et l’utilisation sur toute sa durée de vie des terminaux (ordinateurs, serveurs, téléphones, tablettes…) ou de l’infrastructure (réseaux, bornes wifi, data-centers…).
  • l’extraction des terres rares indispensables à la production du matériel informatique, qui a un impact environnemental particulièrement désastreux.
  • La consommation d’eau nécessaire aux différents processus d’extraction des matières premières.
  • Et enfin, les déchets électroniques produits par le renouvellement des équipements. 

Sachant qu’en moyenne les terminaux informatiques sont renouvelés tous les 3 à 5 ans et que le taux de recyclage des déchets électroniques au niveau mondial ne dépasse pas 10 à 15%, on a une idée de l’impact gigantesque de l’industrie du numérique sur nos écosystèmes. Il est urgent d’intégrer cette industrie dans une économie circulaire qui minimise la consommation nette de ces ressources.

Big data, big problèmes : l’explosion des données

Le problème n’est pas seulement l’impact actuel de notre infrastructure numérique mais aussi son expansion vertigineuse. Les technologies en développement (5G, Big Data, Intelligence Artificielle, Objets connectés…) laissent présager dans les années à venir une explosion incroyable en termes d’échanges, de traitement et de stockage de données.

Il existe un autre paradoxe. Tous les informaticiens connaissent la fameuse Loi de Moore  : depuis les débuts de l’informatique, la puissance de calcul des machines double tous les deux ans. On pourrait espérer que cette croissance logarithmique des performances ait une incidence positive sur le traitement des données. C’est malheureusement loin d’être le cas, car elle s’accompagne d’un alourdissement des programmes et d’une explosion des volumes d’informations à traiter.

Pour en donner quelques exemples concrets : entre 1995 et 2015, le poids moyen d’une page internet a été multiplié par 115. Alors qu’en 1969, l’ordinateur de bord de la mission Apollo, chargée d’envoyer l’homme sur la lune, avait une capacité de stockage de 70 kilo-octets., le moindre  email pèse aujourd’hui en moyenne plus d’un mega-octet.  L’accélération des puissances de calculs rend le traitement des données tellement rapide que le monde de l’informatique a une tendance fâcheuse à moins optimiser ses logiciels. 

De nombreuses couches de codes se superposent, l’optimisation des algorithmes est moins contrainte, le stockage et le traitement des données est moins parcimonieux que chez les anciens programmeurs, pour qui le prix du kilo-octet était beaucoup plus conséquent que maintenant.

Cet empâtement de nos systèmes informatiques est appelé l’infobésité. 

Une prise de conscience croissante

La prise de conscience de l’empreinte environnementale du numérique est en cours. Elle est soutenue par la publication de rapports et d’études qui cherchent à quantifier précisément cet impact et à estimer son évolution future. Nous citerons par exemple l’excellent rapport “Pour une sobriété numérique” publié par The Shift Project.

Sur le plan des bonnes pratiques, des communautés de responsables Green IT se mettent en place pour échanger les bonnes pratiques entre organisations du secteur privé et du secteur public, comme l’Institut du Numérique Responsable. 

De son côté, l’État français s’est engagé sur cette même voie.  L’un des articles de la loi Anti Gaspillage et Économie Circulaire (loi AGEC du 10 février 2020) rappelle la nécessité de développer des services publics écoresponsables notamment en matière de numérique. 

Une mission interministérielle, Green Tech, a été créée pour mettre un place un référentiel des bonnes pratiques du Green IT. Ces travaux préfigurent sans doute les futurs labels, certifications et nouvelles contraintes réglementaires qui devraient voir le jour dans les années qui viennent.

Les axes d’intervention du Green IT

Le Green IT intervient sur différents sujets que l’on pourrait structurer en 5 grands axes :

1- Matériel informatique (hardware)

C’est l’axe prioritaire, sur lequel il est à la fois le plus facile d’agir et où les résultats sont les plus rapides à obtenir. L’objectif est de minimiser l’impact de son parc informatique (PC, imprimantes, tablettes, smartphone…) en travaillant sur le sourcing, l’extension des durées de vie et le décommissionnement. En pratique, il s’agit de mettre en place de nouveaux critères pour identifier, sélectionner et évaluer des fournisseurs aux pratiques responsables, de sélectionner du matériel à faible impact et longue durée de vie, d’établir des nouvelles règles de renouvellement du hardware, de mettre en place des pratiques de maintenance et de mise à niveau des outils numériques mis à disposition des collaborateurs…

Ces actions présentent l’avantage d’être mesurables et visibles. Ce sont aussi celles qui parlent le plus aux collaborateurs. Or leur sensibilisation est un enjeu pour agir sur les axes suivants, pour lesquels les plans d’action sont plus difficiles à mettre en œuvre et à évaluer.

2- L’infrastructure

Agir sur l’infrastructure consiste à minimiser la consommation énergétique liée aux data centers, au cloud, aux serveurs, ou au réseau. En fonction de l’existant et du niveau de maturité de l’organisation, différentes actions peuvent être mises en place : 

  • réduction du nombre de serveurs physique remplacés par des serveurs virtuels VMware (VMWare ESXi ) 
  • migration vers des data centers à faible impact
  • rationalisation des baies de stockage 
  • optimisation de la climatisation
  • changement des contrats d’électricité vers des contrats énergies vertes

3- L’éco-conception des applicatifs

L’éco-conception applicative est en ensemble de bonnes pratiques de conception, d’architecture et de programmation qui permettent de rendre les applications et les sites internets les plus sobres possible au niveau de la consommation de puissance de calcul, des traitements et des échanges de données, du temps d’utilisation ou encore de la consommation électrique des terminaux.

4- Les usages

Agir sur les usages c’est inciter les utilisateurs des outils numériques à minimiser leur consommation énergétique et matérielle. L’objectif est d’amener le plus  grand nombre d’utilisateurs à modifier leurs comportements. Deux mots clés : “conscientisation” et “formation”. La difficulté de cet axe de travail tient à la multitude des actions à implémenter et leur insignifiance à l’échelle individuelle. Chaque petit pas isolé a un impact négligeable mais produit un effet significatif lorsqu’il est adopté par une masse d’individus. 

5- L’IT for Green

Ce dernier axe consiste à mettre son infrastructure digitale au service de projets à impacts environnementaux ou sociaux positifs. L’objectif est d’augmenter la part des projets “green” en impliquant les collaborateurs pour leur identification, leur sélection et leur mise en avant en interne et en externe.

Conclusion

L’impact environnemental du numérique est un enjeu majeur que l’ensemble des organisations privées et publiques va devoir prendre en compte si nous voulons infléchir la courbe de notre consommation énergétique et de nos émissions de GES. 

Le Green IT, qui se structure depuis quelques années, propose un ensemble de méthodologies, d’outils et de bonnes pratiques pour mieux gérer cette problématique. 

La bonne nouvelle c’est qu’en prônant la sobriété, le Green IT va dans le sens de la performance financière et de l’efficience numérique. 

Plutôt  que de le voir comme une contrainte supplémentaire, utilisons-le comme un levier d’amélioration, à l’intersection de deux transformations majeures : la transition numérique et la transition écologique.